Johannes Hevelius (dans la plupart des langues), ou Jan Heweliusz (en polonais), né et mort à Dantzig (aujourd'hui Gdańsk; – ), est un astronome qui, dans l'histoire de sa discipline, se place entre Galilée et Newton.
Johannes Hevelius
Johannes Hevelius (détail), huile sur toile de Daniel Schultz, 1677
Auteur d'une topographie de la Lune, il est découvreur de comètes et compilateur d'un catalogue d'étoiles. En plus de l'étude d'autres objets célestes, il construit des instruments scientifiques et entretient une large correspondance avec les savants de l'époque.
Toute sa vie, il joue un rôle dans la corporation des brasseurs et la politique municipale de Dantzig.
Biographie
Jeunesse
Hevelius naît dans une riche famille de brasseurs luthériens germanophones. Il apprend le polonais à l'école. «Hevelius» est son nom latinisé, c'est celui sous lequel on trouve ses ouvrages et c'est la façon dont on le nomme généralement; mais, dans sa correspondance, il signe plutôt Hoffel[1],[2]. En français, on a écrit Hével et Hévélius, cette dernière forme demeurant la plus poche de la prononciation[3]. Sa ville natale de Dantzig est alors une ville hanséatique de la République des Deux Nations. Hevelius se décrira plus tard comme «un citoyen du monde polonais[4]», et la Pologne le considère comme son citoyen.
Le jeune homme s'intéresse davantage à l'astronomie et aux mathématiques qu'au commerce. Ses parents lui accordent deux ans de gymnasium[5]; il y a comme maître Peter Crüger, dont l'influence se fera sentir toute sa vie[5]. Crüger l'oriente vers l'astronomie. Pour compléter son enseignement, il étudie aussi le dessin, la mécanique et le polissage des lentilles[6],[5]; son œuvre n'existerait pas sans ces techniques[7].
Ses parents, un peu soucieux, l'envoient étudier le droit à Leyde, où on lui enseigne aussi les mathématiques et les sciences naturelles. Puis il voyage en Angleterre et en France. En Angleterre il noue de précieuses relations (il deviendra plus tard membre de la Royal Society)[8]. À Paris il rencontre peut-être Pierre Gassendi[9],[10] et certainement Ismaël Boulliaud (1605–1694), qu'il recevra plus tard chez lui à Dantzig[11]; à Avignon il rencontre Athanasius Kircher. Rappelé à Dantzig par ses parents en 1634, il ne peut se rendre en Italie pour voir Galilée, Scheiner et Zucchi[12].
Maturité
Grand quadrant azimutal de Crüger, perfectionné par Hevelius, 1644. L'observateur est Hevelius[13].
Destiné aux affaires par sa famille, Hevelius, fils unique, leur consacre les cinq années qui suivent[14]: il devient brasseur et conseiller municipal. Il épouse Catherina Rebeschke, fille d’un négociant.
En 1639, Peter Crüger, mourant, celui-ci l'implore de ne pas laisser inemployés ses dons scientifiques, et avant tout d'observer l'éclipse solaire du 1er juin[15]. Hevelius, à qui Crüger a enseigné l'usage de la chambre obscure, s'engage à suivre sa demande. Il observe l'éclipse — Crüger meurt cinq jours après — et consacre désormais son temps et sa fortune à l’observation du ciel.
Le rôle de sa femme est alors essentiel car elle s'occupe des affaires du couple. Catherina Rebeschke permet ainsi à son mari de se dédier pleinement à ses études[16].
En 1641, Hevelius construit un observatoire sur le toit de sa maison[17]. Il fabriquera aussi, en dehors de la ville[18], une «lunette sans tuyau», d’une longueur focale de 45 mètres[19], qui oscille à la moindre brise.
De 1642 à 1645 il observe les taches solaires, études dont les retombées sont toujours importantes, car elles contribuent à établir le minimum de Maunder. Il consacre quatre années à faire la topographie de la Lune, aboutissant en 1647 à Selenographia, atlas de trois cartes. Dans cette cartographie, il choisit d'une part les noms du relief lunaire selon des noms géographiques terrestres[20] (cela évite les querelles), et d'autre part, il publie sa découverte de la libration en longitude de la Lune. La postérité a toutefois plutôt retenu la nomenclature lunaire (honorant divers personnages) de Riccioli (1598–1671), avec qui Hevelius correspondait[21]; mais les sept constellations qu'il a découvertes portent toujours les noms qu'il leur a donnés[22]. Il découvre quatre comètes, en 1652[23], 1661[24], 1672 et 1677[25],[26]. Dans sa Cometographia (1668), dit François Arago, «on trouve l'idée, tout à fait neuve, pour l'époque, que les comètes se meuvent dans des paraboles[27]».
Le , le roi JeanIICasimir Vasa et la reine Louise-Marie de Gonzague visitent son observatoire.
Avec son second mariage, en 1663, à Elisabetha Koopmann (1647–1693), il trouve pendant les vingt-quatre dernières années de sa vie une collaboratrice précieuse[28]. La très jeune femme trouve ainsi la chance de concrétiser son propre intérêt pour les objets célestes[29]. Elisabeth Hevelius fera paraître en 1690, après la mort de son mari, le catalogue de 1 564 étoiles auquel elle contribue et qui est la grande œuvre d'Hevelius. Elle est considérée comme la première astronome dont les travaux nous sont parvenus.
Le [30] Johannes Hevelius est reçu à la Royal Society[31].
En il accueille chez lui Edmond Halley, qui a alors 23 ans et qui voyage à travers l'Europe. Ils travaillent un mois ensemble.
Hevelius et sa femme Elisabetha - 1673
Observatoire d'Hevelius à son domicile de Dantzig - 1640
Télescope d'Hevelius de 50 m de longueur de focale - 1673-1679
Cartographie de la Lune - 1645
Carte nominative de la Lune - 1647 (Selenographia)
Comètes remarquables entre 1577 et 1652 - 1668 (Cometographia)
Interprétation des anneaux de Saturne - 1647
Phases de Mercure
Constellation d'Orion - 1690 (Uranographia) - La vue est inversée pour correspondre à la vision avec un télescope
Carte commémorative du ciel du Nord selon Hevelius - Gdansk - 2016
Fin de vie
Le , un feu détruit une grande partie de son observatoire, de ses instruments et de ses livres[32]. Il répare les dommages à temps pour observer la grande comète de décembre 1680. Mais cette catastrophe, qu'il décrit en 1685 dans la préface de son Annus climactericus[33], a affecté sa santé. Hevelius meurt le , jour de son 76eanniversaire[34]. L'année de sa mort, Newton publie ses Principia. Sa tombe se trouve dans l'église — alors luthérienne — de Sainte-Catherine à Dantzig.
Selenographia sive lunae descriptio: atque accurata, tam macularum ejus, … delineatio, …; addita est, lentes expoliendi nova ratio, ut et telescopia diversa construendi, et experiendi, … explicatur [Sélénographie, c'est-à-dire Description de la Lune[35]]
Epistola de motu Lunae libratorio, 1653
Librations lunaires dans le sens nord-sud.
Dissertatio de nativa Saturni facie ejusque variis phasibus, certa periodo redeuntibus, 1656
Prodromus astronomiae, 1690[44].— Catalogue de 1 564 étoiles établi par lui et sa femme et publié par celle-ci après sa mort[45].
Firmamentum Sobiescianum sive Uranographia[46], 1690
Atlas de 56 feuilles correspondant à son catalogue. Hevelius y trace sept nouvelles constellations, dont le nom est toujours en usage[22],[47].
Hevelius fit imprimer à grand frais à son domicile ce livre très soigné[48]. Non seulement il en conçut lui-même les plaques, mais il en grava beaucoup.
Instruments
À son époque (la liste de ses correspondants[49] réunit des noms illustres) et à la nôtre (établissement du minimum de Maunder), Hevelius, le «visionnaire du réel[3]» (Hugo), doit sa renommée à la qualité de ses instruments et de ses observations.
Le rayonnement d'Hevelius aurait été moins grand sans la qualité de ses instruments: il les construisait souvent lui-même, les avait pour la plupart chez lui et était — grâce à sa fortune — son propre éditeur; il était son propre dessinateur, et souvent son propre graveur. Certaines de ses gravures peuvent être publiées pour leur propre beauté[44].
C'est à ses instruments, non à ses observations, qu'il doit les controverses auxquelles il a été mêlé, avec Robert Hooke[50], avec Adrien Auzout; en effet, Hevelius était, en termes modernes, un peu «conservateur» en ce qui a trait aux instruments; il est peut-être d'ailleurs le dernier astronome à avoir privilégié l'observation à l’œil nu. Il doit à cette particularité la visite chez lui de Halley; mais Halley porta témoignage que les instruments d'Hevelius donnaient — à l'époque — d'aussi bons résultats que les instruments plus modernes[51].
Tout le premier tome de Machina coelestis — et c'est un choix délibéré — est consacré à la description détaillée de ses instruments[52].
Correspondance
On n'a aujourd'hui qu'une vue fragmentaire de la correspondance d'Hevelius. Hevelius lui-même en a publié au moins quatre, plus une sur la comète de 1672[53]. À l’Observatoire de Paris se trouvent les 78 lettres[54] collectées par Joseph-Nicolas Delisle au XVIIIesiècle et numérisées sur le site de la bibliothèque[55]. La correspondance tient en 16 volumes et couvre les années 1630–1686. Un projet international[56] est consacré à sa publication. Hevelius lui-même avait préparé des copies de ses lettres pour l'impression; elles tiennent en onze volumes et se trouvent à la Bibliothèque nationale de France[10].
En 1726, l’astronome et cartographe Joseph-Nicolas Delisle, appelé en Russie par Catherine Ire, acquiert en passant par Dantzig la correspondance et les journaux d’observations d’Hevelius[57]. À son retour en France en 1747, il échange ses collections, dont les lettres d'Hevelius, contre une rente viagère et le titre d’astronome de la marine.
La partie astronomique de cette acquisition passe à la fin du XVIIIesiècle à l’Observatoire de Paris. C'est là que le comte Libri dérobe un nombre considérable de lettres au milieu du XIXesiècle[58]; notre connaissance en souffrira sans doute toujours.
Documents disponibles (sélection)
Hevelius cite sa lettre du à Oldenburg sur la déclinaison magnétique dans son Organographie[59].
Éric Olhoff, secrétaire d'Hevelius, a fait paraître en 1683 une sélection de lettres.
On a des lettres d'Hevelius parues dans les Philosophical Transactions of the Royal Society. Par exemple:
Philippe Henarejos, «Lune: un monde à nommer», Ciel & Espace, no12 (hors-série), , p.20
(de) H. Lambrecht, Introduction (p.1–15) à la reproduction du vol.1 (1673) de Machina coelestis réalisée par le Zentralantiquariat der DDR, Leipzig, 1973
La première partie est une biographie, la seconde une présentation des instruments fabriqués par Hevelius.
Il signe Hans Höwelke son testament de 1639; en 1631 son nom apparaît en latin comme Johannes Höffelius Dantiscanus (Johann Höffel de Dantzig): Himmel und Erde, vol.15, Berlin, B. G. Teubner, 1903, p.529. Delambre (p.495), après consultation de sa correspondance, trouve qu'il signait Hoffel mais qu'on s'adressait à lui sous une variante de Höwelke.
«Dans une lettre adressée à Adam Kochański (Adamandus), en date du , il se dit lui-même: «civis Orbis Poloni, qui in honorem patriae suae, rei litterariae bono, tot labores molestiasque perduravit» (citoyen du monde polonais qui, pour l'honneur de sa patrie, pour le bien des lettres, a supporté travaux et désagréments).» Source: Aleksander Birkenmajer(en), «Coup d’œil sur l'histoire des sciences exactes en Pologne», dans Studia CopernicanaIV (revue de l'Académie polonaise des sciences), Ossolineum, p.15 (p.27 de l'édition numérique). (Birkenmajer précise que Coup d'œil a été écrit en collaboration avec Samuel Dickstein.) La référence donnée par Birkenmajer est: «Correspondance inédite de Hevelius (à la Bibliothèque Nationale de Paris), vol. XIV, p.234. — Voir aussi les lettres de Hevelius à Des Noyers, du 18 décembre 1660 et du 28 mai 1674 (ibid., vol.IV, p.225, vol.XI, p.283).».
Boulliaud est moins connu pour ses relations avec Hevelius que pour sa correspondance, qui tient en cinq volumes manuscrits, avec la reine Louise-Marie de Gonzague (Aubert de Vitry, «Boulliaud (Ismael)», p.546, dans William Duckett, Dictionnaire de la conversation et de la lecture, Firmin-Didot, 1867).
Illustration. Cette comète est probablement la même que la comète 153P/Ikeya-Zhang).
(la) Hevelius, Epistola ad amicum de cometa anno 1677 Gedani observato (Lettre à un ami au sujet de la comète observée en 1677 à Dantzig). Ou fac-similé de même titre avec traduction en polonais et résumés en anglais, russe, français et allemand: Państwowe Wydawn. Naukowe, 1969.
Arago, p.311. C'est un pas dans la bonne direction. Georg Samuel Dörffel, un partisan du système de Tycho Brahe, fera l'hypothèse que le Soleil occupe le foyer de la parabole: The Monthly Magazine, vol.33, 1812, p.130. Près du foyer, l'hyperbole et l'ellipse sont difficiles à distinguer et la découverte de l'ellipticité de l'orbite des comètes viendra plus tard.
Il faut savoir que ce qu'Hevelius appelle un «télescope» est une lunette: Béziat, [id=http%3A%2F%2Fgdz.sub.uni-goettingen.de%2Fmets_export.php%3FPPN%3DPPN599471603_0008&tx_dlf[page]=543&tx_dlf[double]=0&cHash=e1e3236a3b14acf2dfc19b06a14762c9 p.505.
Dans la même publication: Jeremiah Horrocks, Venus in Sole pariter visa, Dantzig, Simon Reiniger, 1662 — Transit de Vénus du 4 décembre 1639, calendrier grégorien).
Dédié à Colbert, qui lui avait obtenu les faveurs de LouisXIV.
Voir (en) Seymour L. Chapin, «Early ideas about comets 1650–1700», Astronomical Society of the Pacific Leaflets, vol.6, no278, , p.221 (lire en ligne)— Travail d'étudiant.
«Firmamentum Sobiescianum» peut se traduire par « voûte céleste de Sobieski », signe d'allégeance à la Pologne et à son roi Jean III Sobieski; « Uranographia » est une façon de dire « carte du ciel »: « graphie » (description) du domaine d'Uranus (le ciel).
(en) http://www.reference.com/browse/johannes+hevelius: «Halley had been instructed by Robert Hooke and John Flamsteed to persuade Hevelius to use telescopes, yet Hevelius demonstrated that he could do well with only quadrant and alidade. He is thus considered the last astronomer to do major work without lenses.».
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