Charles-François Dupuis est un érudit, scientifique et homme politique français, né à Trie-Château le et mort à Échevannes le .
Pour les articles homonymes, voir Charles Dupuis et Dupuis (homonymie).
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Naissance | Trie-Château (Île-de-France) |
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Décès | Échevannes |
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Fils d'un maître d'école de condition modeste, ses talents précoces, notamment en géométrie[1], sont reconnus par le duc de La Rochefoucauld qui l'envoie, avec une bourse, au collège d'Harcourt. Il se fait d'abord connaître comme humaniste, est licencié en théologie et devient, en 1766, professeur au collège de Lisieux. Profitant de son temps libre pour étudier les lois, il est reçu comme avocat en 1770 et abandonne la carrière cléricale. Il s'aventure également dans le domaine des sciences et des mathématiques. En 1778, en s'inspirant du principe suggéré par Guillaume Amontons, il invente une sorte de télégraphe aérien lui permettant de communiquer avec un ami d'un village voisin[2] : il est ainsi un des précurseurs du sémaphore perfectionné par Claude Chappe.
Lié au professeur Lalande, dont il suivait les cours, il prend goût à l'astronomie et rapproche de cette nouvelle étude ses connaissances en mythologie. À partir de 1778, il est conduit à imaginer que les divinités de la fable ne sont autre chose que des constellations, que les noms des dieux sont les mêmes que ceux des astres, que leurs aventures ne sont qu'une expression allégorique du cours des astres et de leurs rapports mutuels. Il expose ce système, dès , dans plusieurs articles du Journal des savants. En 1781, il publie un Mémoire sur l'origine des constellations et sur l'explication de la fable par l'astronomie[3]. Réfutés par l'académicien auteur de l’Histoire de l'Astronomie Jean Sylvain Bailly, les propos de Dupuis sont tout de même abordés avec considération.
Déjà admiré pour son éloquence et sa « latinité pure et élégante » (le recteur de l'Université de Paris l'avait choisi en 1780 pour prononcer l'oraison funèbre de Marie-Thérèse d'Autriche), la publication de cet opus lui assure la notoriété. Frédéric le Grand le remarque et lui propose, grâce à l'entremise de Condorcet, la chaire de littérature au Collège de Berlin. La disparition du roi de Prusse, en 1786, empêche cette prise de fonction. L'année suivante, en 1787, il devient professeur d'éloquence latine au Collège de France. En 1788, il est reçu membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres. Sa carrière se prolonge en intégrant l'Institut de France, dès sa formation en 1795, (Classe de littérature et beaux-arts, section des Antiquités et Monuments).
En 1795, il fait paraître l'Origine de tous les Cultes, ou la Religion universelle, « véritable bréviaire de l’athéisme philosophique »[4], dans lequel il développe « son système ». S'appuyant sur un vaste travail comparatif, il cherche à y démontrer l'origine commune des positions religieuses et astronomiques chez les Égyptiens, les Grecs, les Chinois, les Perses et les Arabes. Son postulat est que « le mot Dieu paraît destiné à exprimer l'idée de la force universelle et éternellement active, qui imprime le mouvement à toute la nature »[5]. La course des astres sur la voûte-céleste, les solstices les équinoxes les rythmes solaire, sélénien ou stellaire, sont à l'origine des religions pour Dupuis. Visé au premier chef, le christianisme n'échappe pas à ce qui se présente comme une entreprise de démystification : « cette fable a le même fondement que tous les autres fables solaires »[6]. Le christianisme « a le caractère du Dieu soleil, adoré chez tous les peuples sous une foule de noms et avec des attributs différents[7]. Un Abrégé donné en 1798 lui permet d'atteindre un plus large public[8]. L'influence de l'ouvrage est durable, perceptible dans les travaux des archéologues Jacques-Antoine Dulaure et Alexandre Lenoir, chez Volney ou encore chez les idéologues, comme Destutt de Tracy[9].
Cependant, la réfutation humoristique qu'en fait, en 1827, Jean-Baptiste Pérès (réemployant certains des arguments de Dupuis pour soutenir que… Napoléon n’est qu'une « fable solaire » sans fondement historique) lui porte un coup sévère. Néanmoins Jean-Baptiste Pérès trompa les gens en faisant croire que la manière dont il nia l'existence de Napoléon était la même que celle que Dupuis utilisa pour nier l'existence de Jésus. Derrière la démonstration de Pérès, il n'y a rien d'autre que des apparences. Derrière la démonstration de Dupuis il y a toute la cohérence d'un système de pensée magique qui fit qu'au fil des âges apparurent des créatures mythiques, inspirées de la course des astres et plus spécialement du Soleil (les bases de la mythologie astrale)[10]. Pérès a joué sur un cas isolé en forçant la dose des apparences. Dupuis, lui, a essayé d'embrasser toute la mythologie pour l'expliquer par un même mécanisme.
L'œuvre de Dupuis confortait ses arguments par une impressionnante érudition, de nombreuses cultures, Grèce, Perse, Inde, Chine, Égypte, Japon, Madagascar, et d'autres, étaient passées en revue sous le prisme des cultes Astraux. et de l’Astrolâtrie ( à ne pas confondre avec l'astrologie ).
« Dupuis est à bien des égards le dernier mythographe important des Lumières. En assignant au mythe la base astronomique et zodiacale, son travail est semblable à celui de Newton ou de Pluche; dans son argument généralement antireligieux et dans sa conclusion que le mythe est un voile allégorique »[11]
— Chantal Grell, Alain Billault, L'Égypte imaginaire de la Renaissance à Champollion : colloque en Sorbonne
En effet son monumental ouvrage, qui fut édité en 4 Tomes in 4°, ou 12 Tomes in 8° plus Atlas, contenait environ 5 000 pages de démonstrations, liées toutes à la course des astres sur la voûte céleste.
« C'est toutefois Dupuis qui apportera la contribution la plus documentée à l'étude des religions. L’œuvre de Ch. Fr. Dupuis,[...] est à cet égard exemplaire. »[12]
— Georges Chabert, Un nouveau pouvoir spirituel. Auguste Comte et la religion scientifique au XIXe siècle
Durant la Révolution française, épouvanté par les massacres de septembre 1792, il fuit d'abord Paris à Évreux[13], mais il y revient bien vite pour y jouer un rôle politique en tant que représentant du département de Seine-et-Oise : il est député à la Convention (1792-1795) puis au Conseil des Cinq-Cents (1795-1799). Se distinguant par sa modération, il est même mis en ballottage avec le général Moulin pour la place de Directeur lors du coup d'État du 30 prairial an VII, qui permet à Sieyès et Barras de faire révoquer les trois autres Directeurs, pour les remplacer par des figures plus à gauche : c'est finalement le militaire qui est élu. Charles-François Dupuis participe aussi à la création du calendrier révolutionnaire, dont il est l’un des promoteurs, avec Fabre d'Églantine. Membre du Corps législatif de 1799 à 1802, il en exerce la présidence du au . Il abandonne la vie politique en 1802, refusant un poste de sénateur, afin de se consacrer à ses études. En , il est fait chevalier de la Légion d'honneur.
Après l'Origine des Cultes, il écrit un Mémoire explicatif du Zodiaque de Tentyra, en 1806.
Charles-François Dupuis termine sa vie à Échevannes, un village bourguignon proche d'Is-sur-Tille où il possède une propriété achetée comme bien national pour 22 000 livres[14]. Il s'agit d'une ancienne maison forte transformée en ferme (la Ferme du Fossé)[15]. Victime d'une fièvre purulente, il meurt le , âgé de presque 67 ans. C'est l'historien et philologue Bon-Joseph Dacier qui prononce son Éloge à l'Institut.
Les ouvrages L'origine de tous les cultes, ou la religion universelle, (1795) et Abrégé de l'origine de tous les cultes (1798), furent mis à l’Index librorum prohibitorum (Index des livres interdits), longtemps poursuivis même après la mort de l'auteur. On peut lire un jugement à ce sujet dans : Bibliographie de la France, ou Journal général de l'imprimerie et de la librairie, année 1823, Paris, chez Pillet ainé, imprimeur-libraire, p. 411 : Un jugement de la septième chambre du tribunal de première instance de Paris (du ), prononçant la saisie d'une édition in-18 de l'Abrégé de l'origine de tous les cultes, par Dupuis, avait ordonné la saisie des exemplaires, et condamné M. Chassériau, libraire et éditeur : « Considérant que la réimpression et la publication de l'ouvrage dont il s'agit est un délit ; mais qu'il résulte des circonstances de la cause, que Chassériau a pu être induit dans une erreur, qui, sous aucun prétexte, ne peut lui être imputée à délit , la cour met les appellations respectives au néant, condamne Chassériau aux dépens de son appel incident ; ordonne que tous les exemplaires de l'ouvrage intitulé : Abrégé de l'origine des cultes, par Dupuis, seront saisis et lacérés ; ordonne qu'à la diligence du procureur général du Roi, le présent arrêt sera imprimé et affiché[16]. »
À Paris, la rue Charles-François Dupuis et à Dijon la place Dupuis portent son nom.
« Le vaste courant d'interprétation de la Mythologie Astrale devient école scientifique grâce aux ouvrages de Charles-François Dupuis [...] Il reste que ces anciens travaux, aujourd'hui rejetés à cause de leur insuffisance, contenaient nombre de découvertes particulières importantes , et qu'il y a donc toujours avantage à les lire[17]. »
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